Page:Routhier - À travers l'Europe, impressions et paysages, Vol 1, 1881.djvu/27

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Au premier coup d’œil il semble impossible que ce phénomène soit l’œuvre de la nature, tant il y a de régularité, d’art et de combinaisons savantes dans cet entassement de colonnes basaltiques si bien taillées, si polies, et s’adaptant si bien ensemble.

Je sais bien qu’il y a dans toute la nature une harmonie étonnante ; je reconnais qu’elle nous montre à chaque pas des merveilles que l’art ne saurait accomplir. Mais j’ai toujours cru jusqu’à présent que l’homme seul pouvait construire un édifice, tailler des milliers de colonnes de pierre pentagones, hexagones et eptagones, parfaitement régulières, les rapprocher les unes des autres, et les ranger dans l’ordre qui convient pour que leurs angles concordent parfaitement.

Or c’est là le spectacle que j’ai sous les yeux, et je ne puis admettre tout d’abord que ce beau travail, supérieur à la grande muraille de la Chine, plus artistique que les grandes voies romaines, ne soit pas dû à la main de l’homme.

Cependant nous avançons lentement sur ces têtes de colonnes perpendiculairement enfoncées dans le sable du rivage et dans la mer. Nous admirons cette architecture d’un nouveau genre, nous calculons l’espace qu’elle embrasse, et nous constatons que ses pièces sont innombrables.

Qui donc a pu accomplir ce gigantesque ouvrage ? Combien de milliers de bras a-t-il fallu pour tailler ces pierres et les transporter sur ce rivage désert ? Quelles mains puissantes les ont rangées dans cette symétrie admirable ?