Page:Routhier - À travers l'Europe, impressions et paysages, Vol 1, 1881.djvu/274

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Tel est le pâle résumé de cette conférence du P. Félix, qui pendant une heure nous a tenus suspendus à ses lèvres.

Le P. Félix est de taille moyenne, un peu au-dessous de la moyenne peut-être ; c’est du moins l’effet qu’il produit lorsqu’il arrive en chaire ; mais en parlant il grandit à vue d’œil. Il a un port noble, une belle tête, des traits réguliers, des yeux pleins de flamme, mais de cette flamme douce que la lampe solitaire répand dans le sanctuaire.

Son front est haut, sa lèvre mince, et tout son visage a une grande expression de douceur et d’affabilité, ce qui ne l’empêche pas de mettre dans son débit beaucoup d’action et d’énergie.

Son éloquence n’a pas les hardiesses, disons les témérités de Lacordaire, ni ces mouvements inattendus qui enlèvent un auditoire. Il ne possède pas non plus, comme le grand dominicain, cette espèce de fluide qui circule comme un courant électrique entre l’orateur et ceux qui l’écoutent.

Mais s’il s’élève moins haut, il est aussi moins exposé à descendre, et son éloquence entraînante roule comme un beau fleuve avec une force constante et une profondeur toujours égale. Sa doctrine est sûre, son argumentation serrée, sa polémique triomphante, et sa diction pleine de chaleur et de vie.

Lorsque Lacordaire mourut, quelqu’un a dit que la chaire de Notre-Dame était veuve. On pouvait le dire dans le même sens qu’on le disait de l’Église Catholique, il y a quelques années, lorsque Pie IX