Page:Routhier - À travers l'Europe, impressions et paysages, Vol 1, 1881.djvu/300

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Le farouche auditoire fut subjugué, et peu à peu il s’inclina sous le souffle de cette parole véhémente. Et Raymond Brucker continuant fit passer sous leurs yeux le spectacle de Jésus ouvrier, de Jésus travaillant dans la maison de Nazareth sous les ordres de Joseph, son patron, et fabriquant des charrues, des meubles de ménage, des croix peut-être !

Je vous laisse à deviner quel effet une semblable éloquence devait produire sur les ouvriers. Ses succès lui firent comprendre que sa mission était là, et il y consacra le reste de sa vie. Mais il va sans dire que ce labeur, tout de patience et de dévouement, ne lui apporta pas la fortune. Au contraire, il y dépensa le peu que ses productions littéraires lui avaient acquis, et il mourut dans la misère.

Louis Veuillot a raconté quelque part qu’il était allé plusieurs fois porter l’aumône de Donoso Cortès, ambassadeur d’Espagne qui manquait de chemises, à Raymond Brucker, avocat de Dieu qui manquait de pain.

Les cercles catholiques d’ouvriers étaient alors fondés et l’œuvre pouvait compter sur d’autres apôtres que Dieu avait appelés à son heure.

Deux officiers chrétiens, capitaines de cavalerie dans l’armée de Metz, plus tard prisonniers en Allemagne, étaient rentrés en France, le cœur brisé par les malheurs de la patrie, et résolus tous deux à consacrer à son salut le reste de leurs jours.

Mais un nouveau et immense sujet de deuil et d’humiliation les attendait sur le sol natal. L’horri-