Page:Routhier - À travers l'Europe, impressions et paysages, Vol 1, 1881.djvu/318

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C’est bien lui, quoique le statuaire l’ait un peu flatté, et j’y retrouve les traits caractéristiques de ce terrible portrait qu’en a fait DeMaistre : “ ce front abject que la pudeur ne colora jamais, ces deux cratères éteints où semblent bouillonner encore la luxure et la haine, ce rictus épouvantable courant d’une oreille à l’autre, et ces lèvres pincées par la cruelle malice comme un ressort prêt à se détendre pour lancer le blasphème ou le sarcasme. ”

Le voilà donc l’homme qui a fait tant de mal à la France, et que tant de français honorent ! Le voilà, le grand insulteur de Paris et dont les parisiens ont fait un dieu, que Sodome eût banni — comme dit encore Joseph De Maistre — et que Paris couronna !

C’est à la Comédie-Française, qui occupait alors l’ancien théâtre des Tuileries, que ce couronnement eut lieu, et l’on ne saurait imaginer toutes les basses adulations dont Voltaire fut alors l’objet. Ce fut un délire, et, suivant son expression, le héros pensa qu’on voulait le faire mourir sous les roses. Chose triste à constater, les femmes surtout, les femmes ! déployèrent un enthousiasme ignoble pour ce blasphémateur du Christ et cette incarnation du vice ! Hélas ! ce spectacle honteux était un digne prologue du grand drame révolutionnaire qui allait éclater dix ans après.

Éloignons-nous de cette statue, dont la vue seule indigne, et qui ne saurait représenter le dramaturge moraliste que nous cherchons.

Voici Molière. C’est lui surtout qu’on se plaît à nous représenter comme le type du poète qui corrige