Page:Routhier - À travers l'Europe, impressions et paysages, Vol 1, 1881.djvu/320

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Il y a deux siècles que le théâtre bâtonne les Jésuites sur le dos de Tartufe. Mais les religieux ont la vie dure ; ils résistent et poursuivent leur mission. On les chasse de partout, et ils sont toujours quelque part ; on les tue çà et là et ils ne meurent jamais !

Pauvre Molière ! Comment aurait-il pu corriger les moeurs des autres, quand il ne corrigeait pas les siennes ? Mais le malheureux était puni par où il péchait. Sa femmne, qui n’avait pas la moitié de son âge, avait plus de la moitié de ses vices, et elle lui fit la vie conjugale la plus incomparablement triste. S’il jouait si bien sur la scène le mari trompé, c’est qu’il connaissait parfaitement ce personnage, et ne cessait pas de l’être après la pièce finie. Mais qui sait combien ce rôle, léger sur le théâtre, était lourd à porter sous le toit conjugal ?

Or, les comédie» du grand écrivain ont-elles jamais corrigé sa femme ? Hélas ! non.

On m’objectera peut-être qu’on ne corrige jamais sa femme, parce qu’elle semble douée, vis-à-vis de son mari, d’une force de résistance invincible. Qui sait ? peut-être va-t-on me rappeler cette ancienne fable, rajeunie par Lafontaine, qui raconte que le cadavre d’une femme noyée remonte toujours le courant de la rivière, par suite de l’habitude qu’elle a prise de son vivant d’agir au rebours de son mari !

Mais d’abord cette satire est exagérée et je la condamne. Supposons toutefois qu’elle contienne un grain de vérité, croit-on que Molière ait mieux réussi auprès des autres femmes, et qu’il leur ait même