XIV
L me plairait de toucher ici à la question littéraire, et de comparer l’art dramatique
du XVIIe siècle au théâtre moderne.
J’aimerais vous représenter les poètes classiques
étudiant, ciselant, animant la nature
humaine, comme le statuaire fait du
marbre. Sous la main des Corneille et des
Racine, cette nature si misérable, si portée au vice,
si prompte à s’avilir, se transfigurait, s’idéalisait, et
devenait un type de grandeur et d’héroïsme que le
spectateur pouvait prendre pour modèle.
Je vous montrerais que le théâtre contemporain n’a plus le même objet en vue. Il ne tend plus à l’idéal, mais au réel. Il s’imagine que pour être véridique il faut montrer la nature humaine telle qu’elle est, et nous étaler toutes ses corruptions. Sous prétexte de véracité, il est tombé dans le réalisme, et il nous exhibe toutes les laideurs physiques et morales. Si du moins il les montrait pour les faire détester ; mais il s’en garde bien et il sait les présenter sous des dehors aimables.