Page:Routhier - À travers l'Europe, impressions et paysages, Vol 1, 1881.djvu/327

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des figures et non des types, des ébauches et non des études, des situations plus ou moins comiques et non des tableaux de maître.

Cependant, là n’est pas le plus grand mal — L’œuvre collective de ces beaux talents n’est pas seulement inférieure au point de vue de l’art ; mais elle est dissolvante et pernicieuse sous le rapport moral. On dirait une conspiration organisée contre tout ce qui est vrai, salutaire et respectable. L’autorité, la grandeur, la noblesse, y sont bafouées sous toutes les formes et dans toutes leurs personnifications.

Le foyer domestique y est constamment souillé et déshonoré, et la fidélité conjugale y est totalement inconnue. Il y a surtout un personnage qui a toujours tort, sur la scène, c’est le mari. Quand il est lui-même infidèle, non seulement il doit s’attendre que la peine du talion lui sera infligée avec usure ; mais il faut qu’il reconnaisse que sa femme est parfaitement justifiable à tous égards.

Quand il est honnête, quand il aime réellement sa femme, l’auteur a soin de lui donner tantôt un ridicule, tantôt un vice de caractère, ou un défaut d’éducation, de manières, de distinction, de délicatesse, qui fait que l’épouse est excusable de se dégoûter bientôt de son mari. Elle pose alors en victime ; elle nous montre quelle était née pour un meilleur sort, que son mari ne la comprend pas, et ne sait pas apprécier les trésors d’amour raffiné que son grand cœur recèle ; qu’il est trivial, qu’il est grotesque, qu’il est matériel et ne fait que de la prose, tandis qu’elle fait son bonheur de l’idéal et de la poésie.