Page:Routhier - À travers l'Europe, impressions et paysages, Vol 1, 1881.djvu/334

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flamment de ce feu de paille qu’on appelle amour, mais qui est rangé sous un autre nom parmi les péchés capitaux ! Julien découvre cette passion au moment où Gabrielle et Stéphane projettent de fuir, et il en est atterré. Écoutez l’expression de sa douleur :

« Déborde, pauvre cœur gonflé de désespoir !
Elle ne m’aime plus ! Qui l’aurait pu prévoir ?
Je sens sombrer ma vie entière en ce naufrage !
Adieu, bonheur ! Adieu, travail ! Adieu courage !…
À quoi bon désormais des efforts superflus ?
Je suis seul dans le monde ; elle ne m’aime plus !

Insensé ! voilà donc la tendresse éphémère,
Que j’ai pu préférer à la vôtre ô ma mère !
Quand mon petit bagage a vidé la maison,
Vous pleuriez en silence et vous aviez raison ;
Car votre fils quittait sa véritable amie,
Ô mère, dans la tombe à présent endormie !
Hélas ! j’ai plus aimé cette femme que vous ;
Je l’entourais de soins plus tendres et plus doux ;
Pour ne pas voir un pli sur sa lèvre vermeille,
Je desséchais mon sang aux ardeurs de la veille,
Et la trouvant heureuse et fraiche le matin,
J’oubliais ma fatigue aux roses de son teint…
Voilà ma récompense ! Ô l’ingrate ! l’ingrate !

Que va faire maintenant ce pauvre Julien ? N’est-ce pas que vous ressentez du mépris pour cette femme qui sacrifie un mari qui l’aime au premier fat qui passe, à ce Stéphane que le poête malgré ses efforts n’a pu rendre intéressant ? Vous attendez au moins d’amers reproches et une sévère condamnation de la part du mari outragé ?