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PARIS

Charlemagne sent renaître l’espoir, et pour aller prendre Durandal, il offre à Gérald Joyeuse, sa grande épée. Le combat est rude, mais Gérald revient vainqueur et il remet à l’empereur Joyeuse et Durandal. Charlemagne pleure de joie en revoyant l’épée de Roland, et il l’embrasse avec transport ; puis se tournant vers Gérald, et lui montrant Berthe, il lui dit :

« Gérald, voici le prix que ta valeur réclame :
« La fille de Roland demain sera ta femme ! »

Mais hélas ! Gérald en venant à Aix-la-Chapelle a amené avec lui son père, qui n’a pu refuser de le suivre. Au reste, vingt ans de larmes et de pénitence ont changé son visage autant que son cœur, et Ganelon est bien convaincu que personne ne saura le reconnaître dans le Comte Amaury.

Tout tremblant d’émotion, il est entré dans ce palais où chaque pas lui rappelle sa honte ; il a revu ses anciens compagnons d’armes, et aucun ne l’a reconnu. — Après le triomphe de Gérald, il est resté seul dans une salle du palais, et il se parle à lui-même de l’unique objet de son amour, de son fils ;

« Mon fils ! mon fils ; ô joie ! ô merveille ! ô bonheur !
« Ô fils, qui de son père a recréé l’honneur !
« Jusqu’ici je sentais, là, mon crime incurable
« Qui me rongeait le sein… Sois guéri, misérable !
« Mon mal vient de mourir ! Je ne suis plus ici
« Que ton père, Gérald ! Ô mon Gérald, merci !
« C’est de toi que me vient ce souffle de clémence !
« Mon fils, c’est l’avenir ; mon fils, c’est le pardon ;
« Ô mon fils, mon Gérald, sois béni ! »