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PARIS

Mais pendant ce monologue, Charlemagne est entré ; en apercevant Amaury de profil et entendant sa voix, il recule comme à la vue d’un serpent, et s’écrie : Ganelon !

........ « C’est le malheur des rois de reconnaître,
« Et trop tard bien souvent, le visage d’un traître !
« Oui, c’est lui, Ganelon ! l’homme de Roncevaux !
« Il sort donc de l’enfer pour des crimes nouveaux !
« Quoi ! cet homme, sauvé par quelque noir prodige
« Quand nos gloires semblaient refleurir aujourd’hui.
« Quoi ! cet homme revient ! C’est bien lui ! c’est bien lui !
« — Tant mieux ! Puisqu’autrefois il trompa ma colère,
« Le second châtiment sera plus exemplaire.
« Roland méritait bien d’être vengé deux fois !
« Oui, dans ce même lieu qu’épouvante ta voix,
« Ganelon, où jadis ma noble sœur, ta femme,
« Mourut de honte après ta trahison infâme,
« Où la belle Aude apprit la fin de son époux,
« De Roland, et tomba morte, là, devant nous,
« Sous ces murs indignés, traître qui fus mon frère,
« Tu vas périr enfin ! »

L’empereur épuisé met fin à ses imprécations, et Ganelon à genoux lui raconte son histoire et celle de Gérald, son fils — À ce nom, le cœur de Charlemagne bondit :

« Son fils ! son fils ! Par quel miracle, justes cieux !
« Le fils de Ganelon, étant né d’un tel père,
« A-t-il si noble cœur ? »

Sire, reprend Ganelon, vous oubliez sa mère !