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PARIS

« … Laissez-moi m’expliquer devant vous.
« Devant l’empereur, Berthe, ainsi que devant tous :
« Oui, sire ce bienfait, cette faveur insigne,
« C’est en les refusant que j’en puis être digne !
« J’entends là cette voix qui ne saurait mentir :
« Je suis le fils du crime, et non du repentir !
« Afin qu’aux yeux de tous la leçon soit plus haute,
« Je veux que le malheur soit plus grand que la faute !
« Et le père sera d’autant mieux pardonné,
« Que le fils innocent se sera condamné !
« Sans cela l’on dirait, en citant mon exemple,
« Que l’expiation ne fut point assez ample,
« Et j’aime mieux briser mon cœur en ce moment,
« Que d’être un jour témoin de votre étonnement !
« Oui, vous-mêmes, vous tous qui plaignez mes souffrances,
« Vous qui me consolez dans mes horribles transes,
« Peut-être cet élan de vos cœurs généreux,
« S’arrêterait bientôt à me voir plus heureux !
« Mon père s’exilait ; nous partirons ensemble ;
« Il sied que le destin jusqu’au bout nous rassemble.
« — Que mon malheur du moins serve à tous de leçon :
« Pour mieux vaincre à jamais l’esprit de trahison,
« Songez à vos enfants ! Songez que d’un tel crime,
« Votre race serait l’éternelle victime,
« Et que tous les remords, tous les pleurs d’ici bas,
« Toutes les eaux du ciel ne l’effaceraient pas ! »

Charlemagne comprend que Gérald a raison, et prenant la grande épée de Roland il la lui remet en disant :

« Je veux que Durandal désormais t’appartienne,
« Car la main de Roland la mettrait dans la tienne !