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PARIS

J’y ai entendu plusieurs hommes remarquables ; chaque parti en compte quelques-uns. Mais ils sont entourés de beaucoup de petits hommes et de grands enfants. Quelques-uns de ces grands enfants se sont révélés dans le dépouillement du scrutin pour l’élection des Sénateurs, choisis par l’Assemblée : on y a trouvé cinq voix pour Abd-el-Kader, une pour Fra-Diavolo, et deux pour le roi V’lan du Voyage dans la lune ! Au reste, il y a de ces grands enfants dans tous les parlements.

Le spectacle des Chambres françaises est ce qu’on peut imaginer de plus vivant, mais en même temps de plus tumultueux. Un mot piquant, une parole un peu vive, une attaque animée contre le gouvernement y soulèvent des tempêtes. La liberté de la tribune n’y existe pas, et ceux qui veulent critiquer les actes du gouvernement sont obligés de recourir à mille précautions oratoires.

Il est étonnant de voir comme on entend mal la liberté, et comme on ne sait pas en régler l’exercice, chez ce peuple qui a tant lutté pour la liberté. Vainement la république a succédé tantôt à la monarchie, tantôt à l’empire ; elle n’a pas établi la liberté. Au contraire, elle y a toujours apporté de nouvelles entraves, et, par une contradiction inexplicable, il est arrivé qu’en France le régime républicain a toujours été le plus despotique.

Son motto que je lis gravé dans la pierre au frontispice de tous les grands édifices : « liberté, égalité, fraternité, » est pourtant plein de promesses. Mais c’est une illusion, je suis tenté de dire une dérision !