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PARIS

Le moment vient où la vérité la gêne, et elle prend ses mesures pour la supprimer. C’est alors que s’opère cette singulière transformation de programme que l’on observe à diverses époques dans presque tous les gouvernements parlementaires. Les libéraux, les démocrates à tous crins deviennent subitement autoritaires et proclament l’omnipotence de l’État, tandis que les défenseurs ordinaires de l’autorité se font les avocats de la liberté et chantent ses bienfaits !

Ah ! lorsque l’on étudie un peu les événements européens, on est tenté de pousser ce cri de douleur que Donoso Cortès fit entendre un jour du haut de la tribune espagnole, et qui retentit dans toute l’Europe : « la liberté est morte ! Elle ne ressuscitera, ni le troisième jour, ni la troisième année, ni peut-être le troisième siècle ! »

Et la fraternité ? Où donc est-elle ? Parmi ces adversaires acharnés à se détruire, au milieu de ces nombreux partis, divisés en groupes, de tous ces chefs d’écoles, de tous ces sectaires, de tous ces ambitieux représentants des nouvelles couches sociales, où trouverai-je des frères ?

Qu’est-ce que cette fraternité qui produit la guerre civile, l’égorgement dans les rues, les incendies, les fusillades, puis la proscription dans les îles lointaines ? C’est la fraternité révolutionnaire, qu’on a si bien comparée à celle d’Étéocle et de Polynice,

Mais l’égalité ? N’a-t-on pas réussi à la faire régner enfin ? Eh ! bien, non ; après les luttes sanglantes et les immenses calamités que ce mot magique et trom-