Page:Routhier - Conférence sur Sir Georges-É. Cartier, 1912.djvu/15

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pavoisé des couleurs nationales, et il portait un pavillon victorieux. Il était peuplé d’amis nombreux, un orchestre y faisait entendre ses airs les plus joyeux.

Mais au jour du naufrage les lumières se sont éteintes, les amis sont disparus, et demeurée seule avec ses deux filles, accrochée aux épaves de sa fortune, elle a continué le voyage de la vie, loin du pays natal, au milieu des ennuis de la solitude et de la nostalgie. Heureusement elle eut, deux anges pour la consoler, ses deux charmantes filles qui lui prodiguèrent tous les soins que peut donner l’amour filial. Or de quoi l’amour filial n’est-il pas capable ?

Toutes deux étaient dignes des auteurs de leurs jours. Elles avaient l’esprit très cultivé, une grande distinction de manières, et le don de la conversation aimable et gaie. Elles étaient jeunes, et la jeunesse est la grande force pour réagir contre le malheur. Leur tendresse et leurs soins délicats réconcilièrent la mère avec la vie.

Elles allèrent vivre toutes les trois dans une blanche villa, ombragée de palmiers et d’acacias, sur la Côte d’Azur, à Cannes, et la mort seule les sépara.

L’aînée des deux filles, Joséphine, fut emportée par une syncope du cœur à 36 ans, en 1886. Lady Cartier mourut à 70, en 1898.

Leurs restes mortels furent rapportés au pays natal, et reposent avec le chef de la famille au cimetière de la Côte des Neiges.

Mesdames et Messieurs, il m’a semblé convenable et juste de lever un coin du voile de deuil et d’oubli qui depuis si longtemps enveloppe ces nobles existences, en ce jour où le réveil de la gloire vient rendre tout son éclat à l’astre autour duquel elles ont gravité.

Il est juste qu’un rayon de cette gloire rejaillisse sur elles, et c’est pour vous comme pour moi, j’en suis sûr, une grande satisfaction d’apprendre que l’unique fille survivante du grand homme sera avec nous en 1914 et prendra part à la glorification de son illustre père.