Page:Routhier - De Québec à Victoria, 1893.djvu/110

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accroupit dans l’herbe, et l’on dirait qu’elle prie. Que se passe-t-il alors entre l’âme du mort et celle de la malheureuse restée fidèle à son souvenir ? Dieu seul le sait, comme seul il connait les voies par lesquelles ces deux âmes se rejoindront sans doute dans un monde meilleur.

Nous avons troublé la paix d’une antilope qui paissait tranquillement dans un petit vallon où l’herbe était plus verte. Le sifflement de la locomotive l’a rendue folle de terreur, et elle a fait avec notre train une course échevelée, suivant une ligne parallèle à quelques centaines de pieds de la voie. Nous avons eu quelque peine à la dépasser, tant elle s’enfuyait avec agilité.

De temps en temps nous nous arrêtons à une gare isolée ; mais aucune ville ni village ne s’élève encore sur cette voie nouvellement ouverte, jusqu’à ce que nous arrivions à Saskatoun. Ici, nos regards un peu fatigués de la prairie peuvent se reposer enfin sur de grands arbres dont les feuilles vert tendre ne font que s’ouvrir et sur une jolie rivière bordée de collines boisées.

C’est la Saskatchewan[1] du sud, qui se nommait autrefois la Fourche des Gros-Ventres, parce qu’une tribu de ce nom habitait les bords de la partie supé-

  1. Le vrai nom sauvage de cette rivière paraît être Kisisktchiwan (courant rapide) ; et celui de la station devrait être Misaskwotonin (petite poire). Du premier mot les Anglais ont fait Saskatchewan, et du second Saskatoon.