Page:Routhier - De Québec à Victoria, 1893.djvu/113

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et des messes à dire avant de déjeuner, et pour peu que je me hâte, moi profane, j’ai quelque chance de les trouver à table.

Tout en faisant ma toilette, je jette un coup d’œil au dehors : le paysage a changé d’aspect. Ce n’est plus la prairie déroulant à perte de vue les plis onduleux de son écharpe verte. D’un côté c’est une colline que des arbres ombragent, et que de jolies villas couronnent, cachant à demi leurs toits rouges dans la verdure printanière des feuilles qui s’ouvrent. De l’autre côté, c’est la ville avec son joli couvent, ses grands magasins, ses hôtels, ses constructions de tous genres ; et au-delà c’est la Saskatchewan du nord, roulant ses flots jaunâtres, baignant à droite la grande rue de Prince-Albert et à gauche les grandes forêts qui s’échelonnent en amphithéâtre et vont se confondre avec les nuages du ciel.

Toute cette nature rit gaîment au soleil, qui l’a tant négligée depuis quelques mois, mais qui lui revient enfin et qui va la féconder de ses caresses. Tout renait, tout embaume, tout s’épanouit sous ses rayons. L’âme de la terre s’émeut au retour du printemps et se remet à chanter son hymne éternel au Créateur. Benedicat terra Dominum ; laudet et super exaltet eum in secula !

Une rue spacieuse me conduit de la gare au bord de la rivière. La falaise, haute de quinze à vingt pieds, forme une longue ligne droite et un large boulevard