Page:Routhier - De Québec à Victoria, 1893.djvu/129

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il n’y avait pas de bois pour en construire, et alors on les remplaçait par deux lignes de jalons consistant en petits amas de terre, de tourbe, de pierre, ou de fumier de buffle, dans lesquels on plantait des bâtons pour simuler des chasseurs couchés dans le foin et armés de fusils.

Les malheureux bisons qui s’effrayaient de tout étaient pris à cette ruse grossière, et croyaient avoir sur leurs flancs deux rangées de guerriers.

Mais comment pouvait-on les amener ainsi entre les deux lignes du V fatal ? Voici le stratagème auquel on avait recours.

Deux cavaliers allaient à la découverte, et quand ils avaient aperçu un troupeau de buffles ils s’embusquaient dans un endroit convenu de chaque côté, de manière à pouvoir lui imprimer la direction voulue quand il prendrait la fuite. Puis ils poussaient tout-à-coup deux cris formidables qui faisaient tressaillir les échos de la solitude.

Alors la bande affolée des buffles s’élançait en bondissant vers la rivière, escortée de chaque côté par un ennemi qu’elle s’efforçait de dépasser, et qui calculait savamment sa course pour la diriger. Quand il s’approchait d’eux les fuyards reculaient, et quand il reculait lui-même c’étaient les fuyards qui s’avançaient vers lui et tentaient toujours de le dépasser sans y réussir.