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Page:Routhier - De Québec à Victoria, 1893.djvu/135

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complètement ce beau pays ; et nous le traversons précisément dans cette époque de transition où la civilisation a détruit la vie d’autrefois, et ne l’a pas encore remplacée — sauf en quelques endroits rares — par le genre de vie et le mouvement qui lui sont propres.

Elle a parqué sur des Réserves les tribus nomades qui sillonnaient la Prairie, et le silence a fait place à leurs bruyants ébats. Seul, le sifflement de la locomotive a succédé, sur quelques points perdus de l’immense solitude, aux mugissements des buffles poursuivis par des chasseurs.

C’est un épisode de la vie d’autrefois que je veux consigner ici, et que le P. Lacombe m’a raconté.

Deux sauvages s’en allaient au hasard à travers la Prairie sans bornes. L’un était un guerrier Cris ; l’autre était un Pieds-Noirs.

Tous deux étaient vêtus de peaux de bêtes, et armés jusqu’aux dents, d’arcs et de flèches, de coutelas et de fusils.

Sans s’apercevoir, ils s’avançaient l’un vers l’autre, avec les précautions infinies qui deviennent un art chez les éclaireurs et les espions de ces tribus.

Le Cris était à la recherche du camp des Pieds-Noirs, et le Pieds-Noirs aurait voulu surprendre le camp des Cris.

Tantôt ils suivaient les sinuosités d’un ruisseau encaissé dans la plaine ; tantôt ils rampaient jusqu’au