Page:Routhier - De Québec à Victoria, 1893.djvu/136

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sommet d’une colline, d’où, couchés dans les foins, ils inspectaient l’horizon. Ils fouillaient du regard tous les plis de terrain, et les moindres broussailles leur servaient d’embuscades.

Dans ce cirque immense qui n’a pas d’autre enceinte que les pans circulaires du firmament et dont l’arène est baignée de vapeurs transparentes, le regard s’étend très loin. Il n’y a ni rochers, ni bois, ni haies, ni même de hautes bruyères qui interceptent la vue.

En même temps, le silence de la plaine est tel que le moindre bruit insolite semble devoir attirer l’attention. En mer, même dans les jours de calme, la vague a ses bruits et ses murmures, et le moindre souffle qui en ride la surface la fait chanter. Mais dans la prairie le vent qui passe en effleurant les herbes ne rompt pas le silence.

C’est le calme profond, solennel, non pas de la nature morte, mais de la nature qui n’a pas encore vécu.

On se croirait revenu au commencement du monde, alors qu’il n’y avait ni habitations, ni trace de vie humaine, et que le premier homme était seul en face de la nature.

Et cependant au milieu de ces immenses solitudes, il y avait, à l’époque dont nous parlons, de nombreuses tribus nomades qui se faisaient la guerre ; et chaque tribu avait ses guerriers en renom, ses héros dont on racontait les brillants faits d’armes.