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Page:Routhier - De Québec à Victoria, 1893.djvu/146

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que nous sommes toujours au même endroit, car l’horizon est toujours le même. C’est toujours la Prairie étendant à l’infini, dans toutes les directions, ses vastes solitudes, inondées de lumière.

Incommensurable tapis, tantôt vert, tant jaunâtre et brûlé par le soleil, tantôt plaqué d’immenses taches noires où le feu a passé.

Ici apparaissent de petits lacs desséchés, dont le lit couvert d’une couche de sel toute crevassée, est blanc comme neige. Là sourient, comme des champs de fleurs rouges, des bas-fonds dont les eaux saturées d’alcali ont rougi les herbes. Plus loin brillent, comme de larges plaques d’argent, de vrais lacs dormants, où s’ébattent des milliers de canards et d’oies sauvages.

Et la Prairie s’allonge toujours, solitaire, monotone, silencieuse.

Le sol n’est pas tourmenté, mais légèrement inégal, bossué, onduleux, multipliant ses plis comme l’Océan ses vagues, et déroulant à l’horizon ses innombrables collines, jaunes, vertes, émaillées de fleurs sauvages, ou noircies par quelque incendie.

Aussi loin que la vue peut s’étendre, pas un bouquet d’arbres ne vient reposer le regard. C’est le désert sans bornes, sans habitants, sans autre végétation que des fleurs sauvages émaillant le foin follet des sables, ou le foin plat des grèves.