Page:Routhier - De Québec à Victoria, 1893.djvu/147

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Que cet aspect des Prairies me rappelle bien le Grand Désert africain !

C’est le même horizon infini, le même inconnu sans limites, brûlé par le même soleil, imprégné de la même majesté, et dormant dans le même silence.

Comme le Désert, la Prairie a ses oasis, plus ou moins nombreuses, suivant que le sol y est plus ou moins sillonné de cours d’eau. Du moment qu’une rivière y vient épancher ses ondes, des arbres croissent sur ses rivages et donnent au voyageur fatigué l’ombre et la verdure ; mais il faut que ce soit une eau courante, car nulle végétation n’apparaît au bord des lacs et des étangs, où l’eau est stagnante.

Comme le Désert, la Prairie a ses populations nomades qui changent de campements sans changer d’horizon, qui marchent des jours et des nuits, et qui se retrouvent toujours au milieu du même cercle monotone, sans autres variations que celles du coloris, de la température et des réfractions lumineuses.

Errants dans ces solitudes qu’ils ont choisies pour patrie, comme les nuages dans le ciel immense, les Indiens ne se résignent pas à la vie stationnaire. Toujours ils poursuivent et recommencent leurs migrations, l’été vers le Nord, et l’hiver au Sud, comme des oiseaux de passage, sans autres biens que leurs chevaux, leurs tentes et leurs armes, mais riches de liberté et de cette indolence rêveuse qui les préserve de tout souci.