Page:Routhier - De Québec à Victoria, 1893.djvu/220

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Un soir, après une abondante chasse de buffles et un grand souper, dans les prairies que la rivière à la Biche arrose, le P. Lacombe les assembla et leur fit faire la prière en commun.

Ce pieux devoir accompli, les Anciens de la tribu se mirent à fumer, et à causer. Alors, Foin-de-senteur prit la parole :

— « Mon associé, dit-il au P. Lacombe, tu t’apprêtes à me baptiser ; mais tu ne le ferais peut-être pas, si tu connaissais ce que j’ai été autrefois et tout le mal que j’ai fait. »

Le Père lui montra son crucifix et dit : « C’est pour sauver les pécheurs qu’il est venu sur terre ; et si tu regrettes tes fautes, il te pardonnera. »

— Eh ! bien, reprit Foin-de-senteur, je veux te raconter ma vie passée, et ceux qui sont ici diront si je parle la vérité.

« Je n’ai pas connu mon père, ni ma mère. Resté orphelin très jeune, je fus recueilli par une vieille femme qui m’adopta pour son fils. Dans nos tribus, les orphelins sont les rebuts du camp et sont traités comme des chiens ; mais la vieille avait grande pitié de moi.

« Je grandis ainsi ; mais je n’étais considéré par personne. Je n’avais pas de nom, comme en ont tous nos guerriers ; et l’on m’appelait « celui qui n’a pas de nom. » Cela m’humiliait, et j’en souffrais grandement.