Page:Routhier - De Québec à Victoria, 1893.djvu/276

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chargé de ses colis. Il remonte la figure épanouie, et va porter ses attentions à une autre.

Il y a l’homme qui broie du noir, et qui se plaint tout le temps de tout et de tous. Pourquoi donc voyage-t-il ? Pourquoi ne donne-t-il pas son argent à des gens intelligents et pauvres qui jouiraient tant à sa place et profiteraient du voyage ?

Mais non ; il aime mieux dépenser son argent à s’ennuyer lui-même et à ennuyer les autres. Il voyage pour dire qu’il a voyagé. Naturellement, il va voir toutes les expositions. Il a vu celle de Philadelphie, celle de Paris, et il ira voir celle de Chicago. S’il y avait un département pour les ennuyés ennuyeux il y paraîtrait avec avantage.

Enfin, il y a le voyageur sensible à toutes les beautés de la nature et de l’art, et qui est généralement porté à voir tout en beau. J’avoue que j’appartiens à cette espèce et que j’exagère peut-être l’expression de mes admirations et de mes enthousiasmes. Mais je proteste que je suis sincère et que je vois réellement les choses comme je les décris. Si mon lecteur les voit autrement, j’en suis chagrin pour lui ; car il sera privé de bien des jouissances que le voyage me donne.