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Page:Routhier - De Québec à Victoria, 1893.djvu/285

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dans le roc par la petite rivière du Castor (Beaver). Ô le bon castor ! Il n’y avait que lui capable d’un pareil travail et il est venu au secours des ingénieurs.

Audacieusement, et sans craindre les rochers qui menacent nos têtes, ni le torrent impétueux qui gronde sous nos pieds nous nous élançons sur ses traces. Mais les états violents, dans la nature comme chez l’homme, ne durent jamais très longtemps ; et bientôt l’étroit tunnel s’élargit en ravin, et le ravin devient une vallée très profonde entre des montagnes très hautes et richement boisées.

Sapins et épinettes, cèdres et pins prennent ici des tailles colossales, et s’échelonnent les uns au-dessus des autres de manière à former des pyramides gothiques merveilleuses. Mais ils ont beau faire, ils n’atteignent pas les plus hauts sommets.

Ces grands monts enveloppés de végétation à la base et dénudés à la cime me semblent une image de la vie humaine, qui au commencement a des germinations abondantes, et qui à la fin ne produit plus guère, et se dépouille des floraisons que l’espérance, l’amour et les rêves avaient fait naître.

La vie naturelle cesse dans les hauteurs, et non seulement les herbes y meurent ou n’y peuvent croître ; mais l’homme lui-même y perd l’équilibre. Le sang lui monte à la tête, il a le vertige, et s’il poursuit son ascension il tombe et meurt.