Page:Routhier - De Québec à Victoria, 1893.djvu/293

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Le lendemain, 2 juin, le soleil fut bien matinal, et il eut beaucoup de peine à m’éveiller. Quand il eut enfin réussi, je fus charmé de voir que nous longions les rives tourmentées du fleuve Fraser. Oh ! qu’il est pittoresque et beau, avec ses deux corniches de rochers dont l’une porte le chemin de fer, et l’autre un chemin de voitures !

Ce fleuve — qui est une des richesses de la Colombie — n’a pas l’azur de la Méditerranée, ni la limpidité du lac Supérieur, ni le vert sombre du Saint-Laurent ; il est jaunâtre et terne.

Il ne mire pas la tente blanche du sauvage, ni l’immense tente bleue du ciel, ni les hauts promontoires qui l’encadrent, ni les cimes neigeuses qui l’alimentent pendant les chaleurs de l’été. On dirait que n’ayant traversé que des solitudes inhabitées, il n’a pu emprunter à la civilisation son vernis et son éclat. Il est sauvage, voilé, opaque et sale.

Mais s’il n’est pas un mondain, il n’est pas non plus un paresseux. Il ne cherche pas à briller, quoiqu’il charrie de l’or, mais à être utile. Il n’est pas seulement une voie de communication et de transport ; il est surtout un vivier, et le plus riche de tous les viviers.

Si ses flots ne sont pas nets, clairs, brillants, c’est qu’ils contiennent des myriades d’êtres vivants. Si, même en temps calme, il n’a pas le poli d’une glace de