Page:Routhier - De Québec à Victoria, 1893.djvu/310

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La fanfare des Indiens exécuta avec une rare perfection les marches funèbres les plus connues ; et tous les motets, le Kyrie, le Dies Iræ, le Libera furent chantés, en latin et par cœur, par les quatre ou cinq cents voix de la foule.

J’ai rarement entendu un concert sacré plus grandiose et plus touchant. Une particularité de ce chœur était le chant des jeunes filles sauvages dont les voix sont d’une octave plus hautes que celles des femmes. J’ai cru d’abord, en les entendant, qu’il y avait des violons dans la fanfare et que c’était un accompagnement de chanterelles ; je me retournai, et constatai qu’il n’y avait pas d’autres chanterelles que des gosiers de jeunes filles. Seules, ces voix seraient criardes ; mais dans ce chœur nombreux et puissant elles produisaient un effet à la fois curieux et beau.

Et voilà donc, pensais-je, ce que la religion a fait de ces barbares ! Comment les missionnaires ont-ils réussi à les civiliser à ce point ? Comment font-ils pour leur apprendre à chanter par cœur un hymne comme le Dies Iræ ? J’avoue que cela me semble prodigieux.

Le R. P. Lejeune — qui est jeune comme son nom, et fort intelligent — me dit que c’est par la sténographie qu’il leur apprend à lire. Cela me paraît plus extraordinaire encore ; et cependant l’expérience est faite et le succès incontestable, les enfants sauvages apprennent à lire en huit jours de cette manière.