Page:Routhier - De Québec à Victoria, 1893.djvu/43

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sombres défilent à nos côtés comme de grands monstres à la nage.

Je ne suis pas de l’opinion de Max O’Rell qui aime mieux les hommes que la nature. Moi, je préfère la nature. Mais il se fait tard, l’air devient humide, et nous rentrons au salon, rempli d’une centaine de passagers.

L’observation de quelques types m’intéresse et m’amuse.

Voici deux couples de nouveaux mariés voyageant ensemble. L’une des mariées est une jeune femme qui paraît avoir à peine dix-huit ans ; l’autre est sa mère, que le tableau des amours de sa fille a rajeunie et qui, ne pouvant résister aux charmes d’un Manitoban très fortement charpenté, a convolé en secondes noces. Elle laisse voir au plus quarante ans, mais je ne saurais dire combien elle en cache. Ce qui me semble piquant, et en même temps très naturel, c’est que le vieux couple a l’air beaucoup plus amoureux que le jeune.

Je fais la connaissance d’une femme distinguée qui est venue de Liverpool à Québec à bord du Sardinian, et qui est en route pour le Japon. Son mari appartient à la marine anglaise. Il commande en ce moment une frégate à Yokohama, et c’est là qu’elle va le rejoindre, laissant quatre enfants derrière elle, en Angleterre. Pauvres femmes d’officiers de marine, que je les plains ! Loin de leur mari ou loin de leurs enfants,