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Page:Routhier - En canot, petit voyage au lac St-Jean, 1881.djvu/49

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STELLA MARIS

Car, il faut l’avouer, plus que l’homme, la femme
Des périls à venir a le pressentiment —
Elle leva la tête et regarda les nues :
« Kervilo, vois là-bas, » dit elle, l’œil hagard ;
Et l’homme fut saisi de terreurs inconnues
Lorsque sur l’horizon il jeta son regard.
Il ne prononça pas une seule parole,
Leva l’ancre, et tendit sa voile au vent léger.
La Mauve s’élança comme un oiseau qui vole
Et parut pressentir l’approche du danger.
Légère, elle s’enfuit en inclinant sa tête ;
Soudain elle trembla sous un souffle puissant,
Le souffle précurseur de l’horrible tempête.
Elle pencha ; ses mâts craquèrent en grinçant,
Puis elle fit alors une course effrénée :
Comme une brume blanche elle effleura les eaux ;
Au moment périlleux, fatal de la journée,
Elle avait et le nom et l’aile des oiseaux,
Mais la nacelle en vain s’enfuyait frémissante,
Le brouillard accourait plus vite qu’elle encor,
Et bientôt la bourrasque éclata mugissante
Et rien n’arrêta plus son effroyable essor.