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le hasard ou la fatalité qui ont tout conduit. Non, rien n’est fortuit ni fatal dans la vie d’un peuple.

L’année 1910 est pour notre race une de ces époques providentielles, où elle sent le besoin d’une orientation nouvelle dans sa vie morale. Il y a deux ans, elle se glorifiait dans les souvenirs de son passé, et dans ses rêves d’avenir. Elle s’épanouissait dans son orgueil, en présence du roi qui passait dans ses rangs. Mais aujourd’hui, c’est Dieu qui passe. Il fait moins de bruit, mais il laisse des traces plus profondes, Devant sa face auguste la glorification n’est plus de mise. Humilions-nous et frappons-nous la poitrine. Nous croyions avoir toutes les vertus ; mais la plus nécessaire peut-être au point de vue moral, la plus indispensable assurément au point de vue du bien-être et de la prospérité nationale nous manquait : la tempérance.

À dater de 1910, elle ne nous manquera plus ; et savez-vous ce qu’elle nous donnera ? La solution de toutes les questions sociales.

Sans la tempérance, le péril social est inévitable. Avec la tempérance, pas de misère chez les ouvriers et, par conséquent, pas de grèves, pas de lutte sociale,

Messieurs, les Canadiens français sont peut-être le seul peuple au monde qui reconnaisse dans son intégrité la royauté sociale de Jésus-Christ, mais vous savez que ce Roi des rois est aussi le roi de toutes les vertus, sans excepter la tempérance, et si nous voulons qu’il daigne habiter nos foyers, il ne faut pas y dresser un autel à Bacchus.

Que partout le vide se fasse autour de ses comptoirs, et l’abondance remplira nos greniers. Soyons sobres, comme notre patron Jean-Baptiste, et nous deviendrons ce peuple parfait qu’il a été chargé de former en Amérique.

Ce beau rêve d’avenir est-il réalisable ? Je le crois et je l’espère. Et savez-vous en qui j’ai placé cette grande espérance ? En deux Immortels, qui sont les patrons obligés de la Tempérance : saint Jean-Baptiste et François de Montmorency-Laval.

Et quand je les appelle Immortels, je ne veux pas dire seulement qu’ils jouissent de l’immortalité dans la patrie éternelle, et dans l’histoire, je veux dire qu’ils sont vivants au milieu de nous ; Jean-Baptiste est vivant dans nos belles sociétés nationales qui portent son nom, et Laval est vivant dans l’œuvre immortelle qu’il a fondée et dans ses admirables continuateurs.

Messieurs, quelques heures avant de mourir, le divin Sauveur a dit à ses autres : « Je suis la vraie Vigne. » Cela voulait dire, non pas la vigne vulgaire qui produit les vins et l’eau-de-vie, mais la