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LE CENTURION

Pilatus éclata de rire, et dit : « Mon cher Pancréas, du moment que tu en fais partie, je ne puis pas croire à ton Dieu. Je ne crois pas non plus que les princes des prêtres le prennent jamais pour leur Messie, auquel, d’ailleurs, je ne crois pas.

Gamaliel, fils. — Eh ! bien, moi, gouverneur, j’y crois et je l’attends. Et quand même les prophètes ne nous auraient pas promis un Messie, je croirais à sa venue très prochaine.

Pilatus. — Pourquoi ?

Gamaliel, fils. — Parce que le monde en a besoin. Parce que, si Dieu existe, et vous ne doutez pas de son existence, il ne peut pas permettre plus longtemps qu’il soit entièrement sous la dépendance d’un seul homme qui se nomme Tiberius. Il n’y a plus de loi, il n’y a plus de justice, il n’y a plus de droits, ni de libertés pour personne. Que dis-je ? Vos dieux mêmes de Rome ne sont plus que des mythes. Il n’y a plus qu’un maître souverain de toutes choses, et de tous, et ce souverain est un monstre.

Pilatus. — Gamaliel, un tel langage n’est pas permis sous mon toit. Je suis le représentant de César, et je veux qu’on ne lui manque pas de respect en ma présence.

Gamaliel, fils. — Je vous demande pardon, gouverneur, de m’être laissé emporter par l’ardeur de mes sentiments nationalistes. Je reconnais que sous votre toit, je ne suis pas excusable de mêler la question politique à la question religieuse. J’ai