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LE CENTURION

Mais leur Jésus n’était-il pas tout-puissant ? Lui qui avait commandé à la mer, chassé les démons, ouvert les tombeaux, rendu la vie aux morts, n’était-il pas le Maître des événements ?

Hélas ! Dans cette nuit terrible, à côté de la force d’un Dieu on sentait une autre force qui semblait supérieure. Mystère insondable ! Dieu était devenu la Faiblesse ! Comment les apôtres auraient-ils pu comprendre ? Comment la Toute-Puissance pouvait-elle être l’Impuissance ?




Soudain Jésus lui-même fut pris de terreur.

Sur cet océan de la vie qu’il venait de traverser il avait fait naufrage, et les flots l’avaient jeté sur le rivage, nu et abandonné. Et voilà qu’une grande vague de sang s’avançait vers lui, et menaçait de l’engloutir. Il la voyait se gonfler, monter et jaillir. Il tomba sur ses genoux qui s’entrechoquèrent, et il poussa un grand cri vers le ciel.

Le ciel resta sourd à sa voix.

Quelles visions formidables passèrent alors devant ses yeux ?

Quels tableaux effrayants lui représentèrent alors la multitude et l’horreur des iniquités humaines ? Quelles furent les tortures morales qui triomphèrent de ses forces physiques, et le conduisirent jusqu’aux portes de la mort, dans une agonie qui aurait fait