Page:Routhier - Les hommes du jour, le cardinal Taschereau, 1891.djvu/10

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lais faire, » me disait-il, « et je ne voulus pas rompre le silence moi-même. Il se prolongea jusqu’à Lévis. »

Sans doute, il a pris pour modèle cet évêque dont saint Ignace, martyr, faisait l’éloge en disant : « Quanto taciturniorem videritis episcopum, tanto magis eum reveremini, — Plus un êvêque est silencieux, plus vous devez le respecter. »

Ce goût prononcé pour le silence accroît, sans doute, l’apparence austère du prélat, et fait croire à beaucoup de gens qu’il n’est guère sociable. Mais ceux qui ont vécu dans son intimité assurent que la société des autres hommes ne lui déplaît pas, pourvu qu’elle ne le détourne pas de ses études et de ses travaux. Il la recherche même quand l’heure de sa récréation a sonné.

Sous sa rigidité extérieure se cache une grande bonhomie. Dans l’occasion, il est même gai, et les plaisanteries faites à propos le font rire de bon cœur. Mais c’est une gaieté d’enfant, et le caractère de son langage, quand il veut rire, est proprement la naïveté.

Il partage cette qualité avec saint François de Sales, et je n’ai pas besoin de dire en quoi ce genre de naïveté diffère de celle de Lafontaine : l’enfant n’oublie jamais qu’il est prêtre et, s’il rit souvent, il ne ricane jamais.

Un des traits les plus accentués de son caractère est la franchise. Il voudrait déguiser sa pensée, qu’il ne le pourrait pas. Quand il juge qu’il est mieux de ne pas dire ce qu’il pense, il se tait, ce qui est pour lui la chose la plus aisée du monde.

À son amour du silence correspond un goût naturel de la paix. Étrange destinée des hommes : il a la guerre en horreur, et peu d’évêques ont eu plus de combats à soutenir.

Par suite de circonstances qui n’ont pas dépendu de sa volonté, son épiscopat a été troublé par une série de difficultés tantôt purement ecclésiastiques, tantôt politico-religieuses, et il a rempli son devoir en luttant pour le triomphe de ce qu’il croyait être la vérité.

Les armes de sa famille sont pourtant celles des militants ; mais la devise qu’il y a ajoutée lorsqu’il est devenu cardinal a défini clairement pourquoi et comment il entendait combattre :

« In fide, pe et caritate certandum, — C’est dans la foi, l’espérance et la charité qu’il faut combattre, » tel est son motto.

Son blason est : écartelé, aux 1 et 4 d’azur, à deux épées formant une croix, aux 2 et 3 de gueules à roses épanouies.