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l’admiration et l’édification de ses innombrables sujets, en même temps que sa justice et sa bonté la leur rendront chère comme une mère à ses enfants.

« Que Dieu la conserve longtemps à leur affection ! »

« À peine saint Jean-Baptiste, le plus canadien des Canadiens, a-t-il prononcé ces paroles de loyauté vraiment canadienne, qu’un coup de canon annonce l’entrée au port. Mgr . de Laval se réveille tout consolé et émerveillé de cette vision, et se prépare à prendre possession de cette terre qui est devenue sa patrie.

« J’ai fini mon histoire.

« À vous de la juger.

« À moi de vous remercier de la bienveillance avec laquelle vous l’avez écoutée. »

Quelques mois après les fêtes cardinalices, notre archevêque partait pour Rome, où il reçut des mains de Sa Sainteté le dernier insigne de sa haute dignité, le chapeau de cardinal. C’était son huitième voyage à la ville éternelle.

Depuis lors, le cardinal Taschereau mène la vie calme, laborieuse et sainte qui convient à un évêque. Malgré ses soixante-onze ans révolus, il ne croit pas encore que l’heure du repos ait sonné pour lui, et il travaille toujours, comme on fait au milieu de la vie.

Toutes ses journées sont parfaitement réglées, et il partage ses heures entre les exercices de piété, l’étude et les travaux que lui impose l’administration de son diocèse.

Maintenant que nous connaissons un peu sa vie, étudions le plus près l’homme et ses œuvres.


II


On a dit autrefois que le monde appartient aux silencieux.

Cette parole semble étrange dans notre siècle de parlementarisme et de presse, où l’empire paraît appartenir aux plus bavards ; et cependant, elle renferme encore aujourd’hui un grand fonds de vérité, et, si vous y regardez de près, vous verrez que les plus influents dans le monde ne sont pas ceux qui parlent le plus.

Le cardinal Taschereau est un silencieux, et l’on cite de lui des silences étonnants. Un de ses grands-vicaires m’a raconté qu’il était, un jour, monté avec lui dans sa voiture de Saint-Michel-de-Bellechasse à Lévis, sans dire un seul mot. « C’était une expérience que je vou-