Page:Routhier - Les hommes du jour, le cardinal Taschereau, 1891.djvu/8

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

étaient décorées et pavoisées, la ville fut illuminée, les cérémonies religieuses furent admirables, et la procession à travers la vieille cité de Champlain se fit avec un incomparable déploiement de magnificence.

La musique, la poésie, l’éloquence célébrèrent à l’envi l’éclat de ces grands jours et la gloire de celui qui avait su mériter tant d’honneur.

Il a fallu tout un volume de trois cents pages pour contenir le récit des splendides manifestations qui se déroulèrent alors sous nos yeux et dont Québec ne perdra jamais le souvenir.

Les fêtes se terminèrent par un grand banquet, pendant lequel le nouveau prince de l’Église fit un discours remarquable d’originalité.

Il représenta saint Jean-Baptiste apparaissant à Mgr. de Laval dans un songe et lui prophétisant l’avenir de ce pays où il allait débarquer. Nous détachons quelques phrases de ce récit :

« Regarde », dit le patron du Canada à Mgr. de Laval, « regarde ces rochers couronnés par une citadelle imprenable ; vois ce que sera dans deux siècles cette cité où doivent reposer tes cendres ; contemple ces nombreux asiles de la piété et de la science. Vois-tu ces immenses constructions ? Ce sont ton séminaire et l’université, qui se glorifieront de porter ton nom. Écoute les accents de la joie universelle, qui, dans deux siècles, retentiront dans tout le Canada, parce que ton quinzième successeur aura été revêtu de la pourpre ; prends part avec moi à cette réjouissance.

« Vois-tu assis autour de lui, dans un banquet, les représentants de l’autorité civile, de nombreux prélats, une armée de ministres du Seigneur, des convives de toutes nationalités et de toutes croyances, levant les yeux et les mains au ciel pour le remercier d’un honneur qui rejaillit sur tout le Canada ?

« Le Canada, si petit aujourd’hui et qui compte à peine quelques centaines de Français, le Canada s’étendra alors d’un océan à l’autre, et ces océans seront reliés par un chemin de fer, sur lequel rouleront des palais emportés par le feu et l’eau. Sans être une nation indépendante, il en aura tous les privilèges, et l’immortel Pontife qui occupera alors le siège de Pierre fera tomber sur cette nation un rayon de lumière céleste, et la reconnaîtra comme telle, en appelant un de ses enfants à partager avec lui la sollicitude de toutes les Églises.

« En ce temps-là, l’empire britannique, sur lequel le soleil ne se couchera pas, sera gouverné par une souveraine dont les vertus feront