Page:Roux - La Question agraire en Italie, 1910.djvu/92

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une sorte de désert où quelques latifundistes ont le monopole de la possession du sol ; il en résulte qu’aucune auberge, aucune boutique ne peut s’établir sans l’autorisation du propriétaire ; il n’y a donc pas de concurrence possible. Sur chaque domaine existe une cantine appelée dispensa, où l’on vend du vin et des aliments. Le tenancier de la dispensa verse une redevance assez élevée au propriétaire ou au fermier : on m’en a cité un qui paie 500 francs par mois. On remarque que les dispensieri font fortune assez rapidement et on les accuse, non sans apparence de raison, de voler honteusement les ouvriers et de leur fournir des vivres de mauvaise qualité. Les fermiers qui autorisent de pareils agissements et en profitent directement sont les premiers coupables. Les propriétaires qui les tolèrent et en profitent indirectement ne le sont pas moins ; ils pourraient atténuer les abus en facilitant l’établissement de boutiques concurrentes, en ne leur demandant qu’un loyer normal et en organisant, s’il le faut, un contrôle sérieux sur la qualité des aliments. Ils le peuvent puisqu’ils sont maîtres chez eux, mais ils ne savent que déplorer l’exploitation dont sont victimes les travailleurs de la terre, et leur sympathie pour eux ne va pas jusqu’à aviser aux moyens pratiques de la faire cesser. Il y a dans leur cas un peu d’égoïsme et surtout beaucoup d’insouciance. C’est à cette insouciance caractéristique de la race que sont dus ces abus dont profilent les plus intelligents et les plus avisés, sinon les plus honnêtes ; le paysan accepte sans protester les aliments avariés qu’on lui donne, les paie