Page:Roy - Guillaume Couture, premier colon de la Pointe-Lévy, 1884.djvu/31

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 20 —

Le père Jogues le reconnaît, il s’échappe de ses gardes et se jette à son cou : « Courage, lui dit-il, mon cher frère et mon cher ami, offrez vos douleurs et vos angoisses à Dieu pour ceux mêmes qui vous tourmentent ; ne reculons point, souffrons courageusement pour son saint nom, nous n’avons prétendu que sa gloire en ce voyage. » Les Iroquois demeurent d’abord tout étonnés. Puis, se figurant que le Père applaudit à Couture de ce qu’il a tué un de leurs chefs, ils se jettent sur lui, le frappent à coups de poings, de bâtons et de massues, et le laissent à demi-mort. Comme il respire encore, ceux qui n’ont point frappé s’approchent, lui arrachent avec leurs dents les ongles des doigts, lui mordent les index dépouillés des chairs et les broient comme entre deux pierres. René Goupil est traité de la même façon.

Quelque atroce que soit la douleur, les martyrs la supportent avec calme et sang-froid.

    et qu’il ne fût pas venu augmenter le nombre des infortunés ! En pareille circonstance, ce n’est pas une consolation d’avoir des compagnons, surtout quand ce sont des personnes qu’on aime comme soi-même. Mais tels sont les hommes, qui, bien que séculiers et sans motif d’intérêt terrestre, se consacrent chez les Hurons au service de Dieu et de la compagnie de Jésus…

    « Le souvenir des souffrances de Notre Seigneur, m’a-t-il dit depuis, lui fit supporter avec grande joie cette douleur, quoiqu’elle fût atroce. » (Lettre du père Jogues.)