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Page:Roy - L'épluchette, contes joyeux des champs, 1916.djvu/101

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L’épluchette

Par la nation juive.
Dans sa candeur naïve
Il s’emporta jusqu’au courroux.
S’il eut été là, Sainte Vierge !
Il l’eut défendu, votre Fils !
Tout seul, il peut en vaincre dix !
On soufflait le dernier cierge
Quand il sortit du saint lieu.
Le lendemain, par la ville
Il errait pour voir un peu.
Des enfants qui laissent leur jeu
Attaquent un vieux en guénille.
— C’est un juif, lui dit-on.
Gros-Jean alors s’en approche,
Et pan ! lui flanque une taloche
Qui l’attrape sous le menton.
Le juif fait la culbute,
Mais se relevant bientôt,
Demande pourquoi cette insulte ;
Il n’a rien fait, n’a dit mot
À personne. Aussitôt
Gros-Jean lève le poing encore
Et pose de sa voix sonore.
— S’que t’es juif ? — Oui, mais… — Ah ben !
C’est toi qu’a tué Jésus-Christ, hein ?
— Jésus… Non m’sieu ! Fous foulez-rire ?
Il est mort d’buis tix-neuf cents ans !
— Ah ! fit, surpris, Gros-Jean Deschamps,
’Scusez, alors, mon excès d’zèle ;
J’viens rien qu’d’apprendre la nouvelle !