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Page:Roy - L'épluchette, contes joyeux des champs, 1916.djvu/88

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L’épluchette

Plus tard le char s’arrête : ÉLISABETH, qu’il dit ;
Une chic créature aussitôt descendit.
La r’gardant s’éloigner, j’songeais : Elle s’appelle
Élisabeth cette petit’ dame si belle,
Et l’conducteur a l’air d’être de ses amis,
Le chanceux ! Mais, au fait, me dis-je alors surpris,
Comment peut-il savoir qu’à telle ou telle place
Quelqu’un veuille arrêter ? La chose me surpasse !
On me l’avait ben dit qu’à Montréal les gens
Étaient ben capables, vous savez, sans bon sens !
J’le créyais pas d’abord, mais devant l’évidence,
Pas moyen d’ostiner. Pour lors l’conducteur lance
Encore un autre nom, puis un bon gros mesieu
S’lève et lentement sort. C’était un nommé CADIEU !
Et le tramway reprend sa route de plus belle.
J’étais mystifié, vraiment, de façon telle,
Qu’enfin pour en avoir le fin mot de tout ça,
J’me l’vai pour demander à ce conducteur-là,
Comment il s’y prenait pour deviner d’là sorte
La destination juste des gens qu’il porte,
Sans parler de leur nom, mais au même moment
À ma surprise extrême, il cria : SAINT-LAURENT !
C’était moi ! j’descendis. C’pendant mon aventure
Devait se prolonger. Je vis un’ créature
Bien mise s’avancer rapidement vers moi ;
J’étais au coin d’la rue ou boulevard ?… Ma foi !
J’étais pas mal perdu. Du tramway, l’affaire
M’avait tout embrouillé… Je n’savais plus que faire !
La dame étant pressée, évidemment, me dit :
« Est-ce SAINT-LAURENT ? — Oui ! — Eh bien ! qu’elle fit,