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LA MAIN DE FER

son supérieur, qui l’y rejoignit en septembre suivant.

Là, De la Salle prit la résolution de passer en France, et il ordonna à Tonty de rassembler ses engagés dans la rivière des Miamis, pour aller construire le fort Saint-Louis, sur la rivière des Illinois. De Tonty, répondant à cet ordre se dirigea à l’endroit indiqué pour entreprendre la construction du fort.

De la Salle voulait passer en France, annoncer ses découvertes et obtenir de nouveaux privilèges. Il projetait l’établissement de postes sur le Mississippi pour y faire la traite, conjointement avec ceux de Frontenac, Michilimakinac, Miamis et Saint-Louis des Illinois.

Cependant, avant de se rendre à Québec pour s’embarquer pour la France, il alla trouver son lieutenant et l’aida à élever le fort Saint-Louis ; puis ayant nommé Tonty gouverneur de la place en décembre, il se sépara de son ami.

Ils ne devaient plus se revoir !


CHAPITRE XVI

LE FORT SAINT-LOUIS


Le fort Saint-Louis avait pour site une position unique.

Imaginez-vous un rocher escarpé, haut de cent cinquante pieds, dont la base baigne dans la rivière des Illinois. Ce rocher n’est accessible que d’un côté, où la montée est encore assez raide ; cette pente difficile forme le côté le plus éloigné du bord de l’eau. Le sommet a une superficie d’un arpent. Le roc est à pic, et l’on peut du sommet descendre un seau dans la rivière au moyen d’une corde et y puiser de l’eau.

Pendant que M. de la Salle avec ses employés travaillaient à la construction du fort, de Tonty partait pour inviter différentes nations indigènes à venir se grouper sous la protection du fort, afin d’être hors des coups des Iroquois, qui leur avait tué plus de sept cents personnes les années précédentes.

De Tonty s’employa si bien qu’il réussit à décider les nations voisines : les Illinois, les Miamis, les Chaouanons et d’autres, qui n’avaient pas toujours pratiqué les préceptes de l’amitié, à s’établir autour du rocher couronné par les fortifications des Français.

Il y eut bientôt au-delà de trois cents feux aux environs.

Le côté en pente était formé d’une palissade de pieux de chêne blanc de huit à dix pouces de diamètres et de vingt-deux pieds de haut, flanquée de trois redoutes, faits de poutres équarries et placées en sorte qu’elles s’entre-défendaient. Le reste du rocher avait une palissade semblable, haute seulement de quinze pieds, parce que là il était inaccessible. Il y avait aussi un parapet de gros arbres couchés de leur long, l’un sur l’autre, à la hauteur de deux hommes. Le tout garni de terre. Sur la palissade, des chevaux de frise aux pointes ferrées, rendaient l’escalade impossible.

Le fort fut achevé en mars 1683.

Un nouveau gouverneur était arrivé à Québec l’automne précédent. De la Salle en apprit la nouvelle au fort Saint-Louis. Sachant que des envieux et des jaloux parmi les traiteurs de la colonie chercheraient à lui nuire dans l’esprit du nouveau fonctionnaire, il lui manda le 2 avril 1683, qu’il ne le connaissait pas encore, mais le priait de lui continuer la bienveillance à laquelle Frontenac l’avait habitué. Une série de malheurs l’avait empêché jusque-là de satisfaire ses créanciers, cependant il comptait terminer cette année toutes ses affaires et montrer qu’il n’avait rien entrepris au-dessus de ses forces. Il annonçait officiellement sa découverte du Mississippi.

Le Fevre de la Barre, le gouverneur, était un ancien officier de marine. Il venait des Antilles où il ne brilla point dans ses engagements avec les vaisseaux anglais. Il était maintenant avancé en âge et il n’était pas du tout le successeur à donner à Frontenac, et son administration allait se ressentir de sa faiblesse.

À peine descendu à Québec, il fut entouré, conseillé et mené par quelques marchands, ennemis de son prédécesseur, avec lesquels il accepta de partager le bénéfice des congés et de la traite.

Dès les premiers jours, De la Barre, tout en renouvelant pour la forme les anciennes prohibitions, distribua des congés et s’intéressa lui-même à la traite.

La Barre avait, au point de vue du commerce, un concurrent à supprimer : De la Salle. Sous le prétexte que le fort Frontenac n’avait plus une garnison suffisante, le gouverneur, à l’instigation des traitants, ses