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LA VIE CANADIENNE 57 du fondeur qui a fabriqué, moulé les caractères d imprimerie, ni de l’artisan qui a construit le tinotype, la presse ! Et voilà l’éditeur, avec son personnel dont l’échelle finit à la pauvre fille (bien contente encore) qui se borne à poser une bande sur le bouquin avant de le livrer à l’expéditeur ! Et voilà, maintenant, les Postes qui, à leur tour, profitent de la naissance du pauvre livre ! Et le libraire. . . et tous ceux-là encore qui, directement ou indirectement, gagnent leur pain par ce malheureux raté !. . . Ah ! oui, méprisons-le, ce bouquin... lui qui sait donner à manger à tant de pères, de mères, d’enfants... lui qui, souvent, fait la fortune de tant d’hommes ! Ah ! oui, méprisons aussi (il ne faut pas l’oublier) ce modeste, ce médiocre auteur de ce plus médiocre bouquin ! Ah ! ce venimeux scribe, il le mérite bien ce mépris, il ne le vole point, l’idiot ! Car, après s’être donné tant de mal pour aider un peu scs frères, les hommes, lui, au lieu de pain, ne reçoit en partage que baves et crachats dont, malheureusement, toute une race se trouve éclaboussée. Jean FERON. Politique ou Politicien Un journal montréalais du matin rapporte qu’un professeur donna un jour à ses élèves comme sujet de composition : « Qu’estce qu’un politicien ? » et que l’un d’eux répondit bravement : « Un politicien est un monsieur qui prononce à haute voix des discours que d’autres personnes ont écrits. Le politicien connaît plus de monde en temps d’élection qu’en toute autre période de l’année. S’il est un véritable politicien, il demeure toujours pauvre, et lorsqu’il meurt on lui élève un tombeau. » Le rédacteur attitré du confrère matutinal a vite saisi l’ironie de ces lignes, mais ce qu’il a omis d’ajouter, et qui n’aurait certes rien gâté, au contraire, c’est que les reporters de nos feuilles jaunes emploient erronément tous les jours le mot politicien. C’est « politique » qu’il faut dire, s’il vous plaît ! G. M. Distractions Littéraires Nous avons ici même entretenu déjà nos lecteurs de quelques bévues littéraires d’auteurs célèbres. S’il faut en croire notre estimable collaborateur Régis Rov, d Ottawa, il paraît que les mots absurdes de Ponçon du Terrail, de Paul de Saint-Victor, et même du grand Corneille, ne sont pas les seuls qui déparent des livres pourtant lus et relus bien des fois. Alexandre Dumas père ne songeait certainement pas que les patates étaient inconnues en France au temps de Louis XIV lorsqu’il écrivit dans « le Vicomte de Bragelone », dont l’action se passe à la fin du XVIle siècle, que le sanglier que poursuivait le comte de Guiche « s’est réfugié dans un champ de pommes de terre ». Dans « le Barbier de Paris », l auteur fait dire à l’un des personnages du livre : — « Pour échapper aux agents du guet, j’ai dû m’enfuir par la rue Mazarine. » L anecdote dont il est question se rapporte à l’année I()32, quatre ans avant l’arrivée en France de Mazarin. La rue Mazarine n’existait donc pas encore ! Dans un feuilleton plus sensationnel que raisonné, Jules de Gastvne faisait une singulière découverte quand il comparait les bras de son héroïne à «ceux de la Vénus de Milo». Les académiciens eux-mêmes ne sont pas exempts de distractions littéraires. Jules Claretie semble avoir eu de fameuses notions sur l’anatomie humaine. Ne lit-on pas, en effet, dans « Jean Mornais : » —  » Autant se brûler la cervelle, dit-il. Et il chercha sous son gilet la place de son coeur ». Nous nous garderons bien de nommer l’auteur de la bévue suivante, car celle-ci est extraite ni plus ni moins d’un ouvrage couronné. .. oui, couronné, s il vous plaît, par l’Académie française. « Un monsieur indiscret écoute les confidences nocturnes que se font, dans un grand parc, deux autres messieurs. La nuit est claire... Mais, un gros nuage qui passa devant la lune l’empêcha d’entendre la conversation. » Cet indiscret écoutait sans doute avec ses yeux ! Si nos auteurs canadiens écrivaient de pareilles incohérences ils ne rencontreraient pas de complaisance chez nos cousins de là-bas ! Gérard Le JEUNE.