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64 LA VIE CANADIENNE une idée géniale, s’écria à l’adresse du dernier arrivé : — Dis donc, Jérémie t’as ben un beau chien d’Espagne ! Ce fut une explosion nouvelle de rires, car on devina tout de suite la pensée de l’aubergiste ; il voulait prendre sa revanche du tour qu’on lui avait joué, et faire payer une ronde à Jérémie. Jérémie haussa les épaules comme pour signifier qu’il ne comprenait pas cette sortie parce que son chien était bien ordinaire. — D’Espagne ? fit-il. Voyons, vous voulez vous gausser de moi ! Qu’y a-t-il ?. . . — Ben, fit le propriétaire de céans, un chien d’Espagne, tu sais, c’est facile à r’eonnaître !

Ça liche la moutarde !. . .

Nouveaux rires. — Batèche ! dit Jérémie, pour ça, non ! mon chien liche pas la moutarde !. . . — Si ton chien ne liche pas la moutarde, dit l’aubergiste, je paie la traite pour tout 1’monde ! .. . Mais s’il la liche, c’est toi qui traite ; ça va-t-il ? — C’est faite ! approuve l’homme au chien. Le père Boivin prit le pot de moutarde qui avait servi quelques instants auparavant, saisit le chien, et lui appliqua le même procédé qu’au chat. Puis, les spectateurs rangés en cercle autour de l’animal guettaient ce qu’il allait faire. Beaucoup pensaient qu’il répéterait la mimique du matou. Ce fut une explosion de rires lorsque l’on vit le chien s’asseoir sur son train et se traîner sur le plancher, se débarrassant ainsi du sinapisme sans y avoir touché. L’aubergiste paya la traite de nouveau, au milieu des rires de tous. Mon ami me confia plus tard que pendant assez longtemps, il ne faisait pas bon d’agacer le bonhomme en lui parlant de chat et de chien d’Espagne. Régis ROY. DÉFENSE DE NOS ORIGINES 17e VOLUME DES <£ MELANGES HISTORIQUES » DE BENJAMIN SULTE Gérard Malchelosse, l’actif éditeur et vigilant propagateur des oeuvres de Benjamin Suite et son anotateur consciencieux, a mis récemment en librairie le dix-septième volume des Mélanges historiques. Le livre s’intitule : DEFENSE DE NOS ORIGINES. Ce titre, à lui seul, est l’expression d’une grande pensée. L’exaltation d’un patriotisme pur, toute la revanche d’un peuple méconnu dans ses origines. Ce nouveau livre de Suite est bien le « coup de plume », — qu’en un autre siècle on aurait pu appeler « le coup d’épée », — qu’il convenait à son caractère et à son savoir de donner dans le méchant tissu fabriqué par certains historiens étrangers autour de l’ethnologie des Canadiens français. J’ai dit « coup de plume », parce que le style est dans « la manière » de Suite ; c’est dans ce livre que semblent le mieux se manifester l’énergie et la fougue de sa plume, sans que cette ardeur l’écarte ou l’entraîne hors des voies de la stricte vérité. C’est un coup droit porté en pleine fausseté, donnant le choc décisif qui renverse et tue. Si, après ça, il revient sur nos origines d’autres absurdités, d’autres calomnies et méchancetés édifiées sur de folles légendes, elles ne trouveront place nulle part pour élire domicile ; toutes ces légendes malveillantes et pernicieuses s’égareront et se perdront tout à fait dans leur vagabondage. Ce n’est pas, tant s’en faut, le premier coup de pied que Suite administre dans ce tas d’inventions malfaisantes dressé contre notre nationalité ; mais les vilaines légendes ont une rude écorce, avec l’ignorance et le parti pris pour caparaçon, et, ainsi que nous le dit spirituellement M. Aégidius Sauteux dans la vigoureuse préface qu’il a mise à la tête de ce volume, « on ne tuera jamais trop souvent ces légendes ». Aussi, après ce coup de botte de Suite, ceux-là qui oseront débladérer de nouvelles sottises sur nos origines pourront être considérés comme des insensés. Si des fumistes ont l’audace de revenir bavarder méchamment, soit en insinuant que nos ancêtres sont issus des rebuts de la race fraçaise, ayant reçu le jour de repris de justice et de femmes perdues, soit en exposant