avec eux, voulut la voir, et après l’avoir beaucoup marchandée, réussit à l’obtenir.
— Ces Sioux vous ont-ils dit où ils s’étaient emparés de cette personne et du butin qu’ils échangèrent avec vous ?
— Oui. À un établissement de l’autre côté des montagnes de Roches. Ils y étaient allés et en étaient revenus en côtoyant une rivière qui sort de ces montagnes. Cet établissement est dans une île située à une très-petite distance de la terre ferme et où il y a un grand magasin ; lorsqu’ils y arrivent ils font des signaux ; on vient à eux pour leur acheter leurs castors et en échange on leur donne des couteaux, quelques lances, mais point d’armes à feu ; on leur vend aussi des chevaux avec des selles qui les mettent à l’abri des flèches quand ils vont en guerre. Ces Sioux nous assurèrent que les « traiteurs » n’étaient point des Anglais ; ils pensent que ce sont des Français, mais qui ne sont point aussi blancs que ceux qu’ils avaient déjà rencontrés ; que la route qu’ils prennent pour aller chez eux est droit au soleil couchant du premier mois de l’été.
Joseph et Pierre écoutaient, vivement intéressés par le récit du sauvage.
La route indiquée, d’après le calcul qu’en firent les Canadiens, devait être Ouest-Nord-Ouest, et leurs suppositions à l’égard de la chanteuse entendue la veille se confirmèrent. Elle était Espagnole.
— Mon frère, le chef Patte-d’Ours va rapporter au Corbeau que le chef blanc veut avoir sa captive aux conditions que je vais mentionner. Je crois que le Corbeau ne me refusera pas ; le riche présent que je vais lui faire sera de haute valeur pour lui, car c’est la vie de son fils.
Patte-d’Ours ne comprenait pas…
Alors, Joseph lui apprit les événements de la huit passée, la tentative des jeunes Yhatchéilinis de s’emparer du fort et il lui dit que Œil-de-Faucon était à leur tête.
Il offrait la vie d’Œil-de-Faucon et de ses compagnons pour celle de la jeune fille détenue par le Corbeau. Si ce dernier refusait, les prisonniers seraient fusillés, et le village des peaux-rouges attaqué.
Patte-d’Ours consentit à transmettre ce message à son chef et partit.
Il est facile de s’imaginer la profonde sensation que créa la nouvelle apportée au village par le père du Renard.
Les Français avaient des moyens trop puissants pour que le Corbeau songeât longtemps à leur résister. La vie de son enfant lui était plus chère que celle de sa prisonnière. Il céda, à son grand regret néanmoins, et se jura que si possible il essaierait de remettre aux blancs l’humiliation qu’ils lui infligeaient en lui enlevant son esclave.
Joseph ne relâcha ses captifs que lorsqu’on lui eut amené la jeune Espagnole. Celle-ci fut ravie de ce changement dans son sort, on le comprend sans peine. Joseph avait conduit la pauvrette au logis des officiers et le lui donna ; il l’avait disposé à l’avance pour elle. Pierre et lui s’étaient préparé une chambre au corps-de-garde