Page:Roy - Le secret de l'amulette, 1926.djvu/21

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

relut le court billet devant lui. Les termes ne pouvaient être plus précis. On y donnait même un mobile.

— Messieurs, dit le juge, aux deux jeunes gens ; je viens de recevoir cette lettre, laquelle, il est vrai, est anonyme. Je vais vous étonner certainement en vous apprenant qu’on vous y accuse d’être les auteurs du forfait de la nuit dernière.

Pierre et Joseph eurent un geste d’horreur et allaient protester énergiquement contre une accusation aussi infâme, mais le magistrat leur imposa silence d’un signe de la main.

Il continua :

— Je me hâte de vous dire que je n’en crois pas un mot. Votre réputation est trop bien connue pour que je vous soupçonne un seul instant ; sans compter que vous avez des témoins dans la personne de vos serviteurs pour établir votre présence chez M. de Longueuil et votre départ de la belle fête de notre gouverneur, pour rentrer chez vous… mais… (et le juge hésita un peu) mais… voici qu’on vous prêterait un mobile pour ce crime, d’après cette lettre… et je suis sûr que vous devez être curieux de savoir lequel ?…

— Oui, nous sommes très curieux de le connaître, dit Pierre.

— On y dit : le vol d’un secret important.

Et regardant de nouveau le document sans signature, il lut lentement :

« MM. de la Vérendrie et de Noyelles ont lâchement assassiné le pauvre vieillard indien pour s’emparer d’un secret que renfermait une amulette que le sauvage portait suspendue à son cou. Cette chose représentait un aigle noir. Ce secret indique l’emplacement d’une mine d’or, d’une richesse fabuleuse ».

— C’est tout, fit le sub-délégué, en fixant attentivement ses auditeurs. Qu’en pensez-vous ?

Les deux amis se regardaient surpris.

— Monsieur le juge, dit Joseph, s’avançant d’un pas vers ce fonctionnaire ; cette lettre est une infâme machination. Au sujet de cette amulette dont on fait mention, voici ce que j’ai à dire : Après avoir recueilli sur le sol, le sauvage presque inanimé et l’avoir porté dans l’auberge voisine, il revint à la vie. Je connaissais le vieillard de longue date et quand il me reconnut près de lui, il en fut bien aise. Il comprenait que ses heures étaient comptées, et, je suppose, me trouvant alors la personne auprès de lui qu’il aimait le plus ici, il voulut me léguer un supposé secret que cachait une amulette.

Ce talisman qu’il gardait précieusement en souvenir d’un frère aimé, chef comme lui dans la nation des Mandanes, m’a été donné par le mourant.

Personne ne faisait attention au clerc du juge qui écoutait fièvreusement les paroles de Joseph. Si on l’eut regardé, on aurait certainement remarqué son agitation.

— Brossard ne mentait pas, se disait intérieurement Lanouiller.

— Chez moi, en présence de M. de Noyelles, nous avons réussi à ouvrir l’amulette, et…

— Et vous avez trouvé ?… interrompit le juge, profondément intéressé.

Il répugnait à M. de la Vérendrie de dire un mensonge, mais il ne voulait pas non plus livrer son secret.

L’interruption du juge vint fort à propos pour lui permettre de chercher un biais, une réponse équivoque, laquelle ne blessant pas sa conscience, lui fournirait un moyen de se tirer d’affaire heureusement.

Mais il n’eut pas ce trouble.

De Noyelles n’avait pas le même scrupule que Joseph.

À la question ; « Et vous avez trouvé ? » il s’empressa de répondre :

Rien ! Évidemment, monsieur le subdélégué, le pauvre cuivré divaguait, car nous en sommes quittes pour nos frais.

Le fonctionnaire eut l’air désappointé. Tout en croyant à la parfaite innocence des deux hommes sur la question du meurtre, il n’était pas sans ajouter foi à la lettre anonyme pour ce qui touchait à l’amulette.

D’abord, au commencement de son témoignage, M. de la Vérendrie avait passé sous silence le secret du Bison ; venait ensuite la lettre mystérieuse, et tout se déclarait, hors l’existence du secret.

M. de la Vérendrie avait donc intérêt à se taire.

Et une mine d’or !… d’une richesse fabuleuse !… comme le disait le billet.

— Bigre ! pensait le magistrat ; si je pouvais mettre la main sur ce secret !… mais à présent, il n’y a rien à faire !… je vais les congédier, et puis, je les ferai espionner !… Plus tard, nous verrons.

— Messieurs, reprit-il, à haute voix ; je vous remercie beaucoup des renseignements que vous avez donnés à la justice. Je vais m’occuper avec zèle de votre affaire, — il