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Page:Roy - Le secret de l'amulette, 1926.djvu/22

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était sincère, — et je ne désespère pas de découvrir le coupable.

Voyant que le juge n’avait plus besoin d’eux, les jeunes gens prirent congé de lui, mais Joseph, se ravisant soudain se tourna vers le magistrat.

— Monsieur Varin, dit-il ; je pense que si vous pouviez mettre la main sur l’auteur de l’écrit anonyme vous auriez trouvé l’assassin de l’ancien chef des Mandanes.

Frappé par ces mots, le juge murmura :

— En effet !… cela se pourrait… je vais y réfléchir !…

C’est Lanouiller qui n’était pas de bonne humeur.

— Diable ! se disait-il ; nous ne sommes guère plus avancé ! Brossard a fait de la besogne inutile, laquelle lui attirera peut-être plus d’ennui que de bien !… Mais, tout de même, son idée était ingénieuse pour forcer le secret des deux gentilshommes.

— Lanouiller !

— Monsieur le juge ?

— Crois-tu qu’il n’y avait rien dans l’amulette de l’Aigle-Noir ?

— Je crois tout le contraire.

— Mais alors ?

— On a dépouillé l’amulette de son contenu, que l’on cache avec soin.

— Une mine d’or !… d’une richesse fabuleuse !… murmura Varin. Je pourrais retourner en France et relever mon castel en ruines… et y couler d’heureux jours !… Haussant la voix, il dit : — Je serais curieux de savoir ce qu’il y a de vrai dans cette histoire.

C’était énoncé avec intention, on le comprend.

— Il y aurait peut-être moyen de satisfaire le désir de monsieur, dit Lanouiller.

— Dis-tu vrai ?… Tu sais, c’est simplement par curiosité et je ne veux être mêlé à rien…

— Ne craignez pas, je vais essayer de vous faire ce léger plaisir sans nuire à personne.

— Bon ! tu es un brave garçon, Lanouiller !

Le juge était dans les bonnes grâces de Bigot, cet être aux sentiments si pernicieux pour le bien de la colonie, et qui semble avoir inculqué ses vices à ses subordonnés, dès son arrivée au Canada. Il ne faut donc pas s’étonner outre mesure si nous voyons Varin si avide de gain.

— Tout de même, se disait son clerc ; c’est une curiosité singulière qu’a monsieur le juge : mais si je mets la main sur le secret de l’amulette, la curiosité du juge ne sera pas de longtemps satisfaite !… Ah ! que ne ferait-on pas pour ce vil métal ! Allons trouver Brossard, qui doit sécher d’impatience de connaître ce qui s’est passé.

VII

EN ROUTE POUR LE NORD-OUEST

On comprendra facilement toutes les réflexions qui se présentèrent à l’esprit des deux amis quand ils s’en retournèrent après leur entrevue avec le juge. Cette lettre mystérieuse les occupait entièrement.

— Elle est de l’auteur du crime, sans doute, disait Joseph.

— Je le crois, répondait Pierre. Quel être sait quelque chose du secret de l’amulette, sinon l’assassin ?

— Il me souvient, reprenait Joseph, que le Bison au milieu de ses confidences, s’arrêta, prêtant l’oreille à un bruit imperceptible pour nous, dont l’ouïe n’est pas aussi exercée, disant que son ennemi était dans la pièce voisine… T’en souvient-il ?…

— Oui, et je crois que si nous avions examiné toute la maison, nous aurions peut-être trouvé le coupable…

— Que nous a dit le sauvage mourant ? demanda de Noyelles ; d’avoir à nous méfier d’un… d’un ?…

— Arrête, dit Joseph ; c’est un drôle de nom, comme les indiens seuls savent en donner, dans leur langage figuré… c’est… L’Œil-Croche !

— Eh bien ! ne serait-ce pas là un indice ?… Vague, si tu veux, mais c’est toujours quelque chose !

— Oui, c’est quelque chose, quoique bien peu !… Par Œil-Croche, le vieux Mandane a voulu dire : Louche ! et les personnes qui louchent, tout en n’étant pas très répandues dans la colonie se voient assez souvent pour que cette piste soit difficile à relever.

— Qui sait ? dit Pierre. Œil-Croche ne signifie qu’un œil affecté par le strabisme, et c’est plus rare que deux. Dans tous les cas, il faudra d’abord étudier nos cartes et les brûler, et cela aussitôt que possible. De la sorte notre secret ne pourra pas tomber entre des mains étrangères.

Joseph approuva ce propos.

Mais un évènement triste et douloureux vint, à quelques jours de là, changer tout à fait le courant des idées du pauvre garçon, ainsi que de son parent, Pierre de Noyelles.