Page:Roy - Romanciers de chez nous, 1935.djvu/101

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
106
ROMANCIERS DE CHEZ NOUS

Laure Conan vient donc d’entrer tout de bon dans cette voie très large où la fantaisie et l’histoire se jouent librement, dans ce chemin où l’ont ici devancée Marmette, de Gaspé, Taché, de Boucherville, pour ne nommer que les plus connus parmi les morts.

Aussi bien, notre histoire se prête-t-elle merveilleusement à ces récits qui sont à la fois fable et réalité, à ces résurrections qui font se lever sous le regard des Canadiens d’aujourd’hui ces grands Canadiens d’autrefois qui ont fondé la colonie, qui l’ont défendue, qui nous ont conquis, au prix de leur sang et de leur vie, un sol que tant d’ennemis leur ont disputé. Ces héros d’il y a deux siècles, nous, dont les origines ne se perdent pas, comme celles des peuples d’Europe et d’Asie, dans la nuit des temps, nous les appelons volontiers les demi-dieux de notre histoire ; ils appartiennent, en vérité, à cette période de notre vie nationale que lord Elgin appelait lui-même l’âge héroïque du Canada. Mais quelques-uns de ces héros, quelques-unes de ces figures que nous devrions toutes connaître, ou que nos poètes et nos historiens auraient dû mettre toutes en lumière, sont restés dans l’ombre. Il y a des « oubliés » sur la liste de nos grands hommes, et c’est à faire revivre l’un de ces héros qui ne doivent pas mourir tout entiers que s’est appliquée Laure Conan.

Lambert Closse — n’est-ce pas qu’on avait oublié ce nom-là ? — est venu au Canada vers le milieu du dix-septième siècle. Il fut un des plus dévoués compagnons de M. de Maisonneuve ; il l’aida puissamment à fonder Villemarie ; maintes fois il défendit la ville naissante contre les attaques des sauvages, et les Jésuites ont écrit de lui dans leurs Relations qu’« il a justement mérité la louange d’avoir sauvé Montréal par son bras et sa réputation[1] »

Or, Lambert Closse épouse, à Villemarie, et c’est tou-

  1. Cf. Préface de L’Oublié, p. XII.