La thèse de M. Harry Bernard, celle-là du moins qu’il explique dans la Ferme des Pins, peut paraître plausible. C’est le ressaisissement d’une âme qui, à soixante-cinq ans, veut refaire sa vie manquée, qu’elle estime manquée, pour assurer à de tardives ambitions ataviques leur survivance.
Rien de plus légitime que l’existence de telles ambitions ; mais rien de plus périlleux dans la vie, comme dans le roman — et il faudrait plutôt écrire ici, dans le roman comme dans la vie — que d’avoir renoncé une fois à ces ambitions pour fonder un foyer, et que de vouloir sur le tard, trop tard, recommencer au prix du bonheur de ses enfants un patriotisme devenu discutable, sinon chimérique.
J’aurais préféré, pour ma part, que le problème fût posé autrement à la ferme des Pins. Et je me serais davantage intéressé à la lutte d’un père et d’une mère, anglais tous les deux, contre les déviations possibles du patriotisme chez des enfants totalement anglais, mais plongés dans le milieu canadien-français de Saint-Valérien, et sollicités par des intérêts ou des amours qui ne s’accordent pas avec les ambitions ou les devoirs de la race. Ainsi posé, le problème ne s’affaiblit pas de tout l’odieux qu’il peut y avoir après trente-cinq ans, à contrarier, à persécuter les sympathies, les affinités françaises d’enfants qui, par les deux sangs qu’ils portent dans leurs veines, sont tout autant français qu’anglais. Il faut éviter que le patriotisme devienne ou paraisse être un tardif caprice, si l’on veut qu’il soit agréé du lecteur. Il y a dans la vie de tels actes que l’on pose, comme celui d’un mariage mixte, qui modifient singulièrement les devoirs du nationalisme. Et à méconnaître cette loi, le romancier s’expose à créer de l’antipathie autour d’un personnage qu’il voudrait sympathique. La Ferme des Pins transpose sur un plan contraire, quoique de façon moins violente, le problème assez faux de l’Appel de la Race.
James Robertson a pourtant une âme forte, que l’on voudrait aimer. Il est pétri d’une rude argile, et le