romancier a voulu personnifier en lui, et jusque dans ses brusqueries, l’instinct de conservation qu’il faut louer en toute vie humaine. Il ne nous déplaît pas sans doute de voir cet instinct éprouver aux Cantons de l’Est, et pour les causes que l’on sait, un fatal échec. Mais comme nous aurions aimé le voir, à la Ferme des Pins, se heurter avec de plus justes raisons aux influences irrésistibles de nos familles canadiennes-françaises ! Cela eût été de la belle et tragique réalité. Nous aurions eu un meilleur roman canadien.
Oui, peut-être ! Nous l’aurions eu, mais à la condition encore que l’auteur du roman se fût davantage soucié de l’art de composer, d’agencer, de construire et d’écrire.
Monsieur Harry Bernard est doué d’un talent facile qui le perdra, s’il ne s’applique pas davantage à le discipliner. Je ne pense pas que nous ayons à l’heure qu’il est un romancier qui soit plus que lui inventif, plus que lui observateur des réalités, plus que lui capable de créer des épisodes, de multiplier des incidents, de surprendre dans la nature aussi bien que dans les âmes le détail pittoresque. Il remplit de ses inventions, de ses trouvailles les pages du roman ; et nous reconnaissons en elles tant de choses de la terre et de la vie canadienne que notre œil distrait ne voit ou ne fixe pas assez ! Harry Bernard et Georges Bugnet, l’auteur de Nipsya et du Pin du Maskeg, — celui-ci avec un art plus surveillé — sont aujourd’hui les deux plus fertiles créateurs du roman canadien.
Mais il nous semble que la Ferme des Pins, qui contient de si précieux matériaux, n’est pas le roman artistement conçu et solidement construit que l’on voudrait lire. Il y a trop de longueurs dans les récits, dans les analyses, dans les situations, et trop de redites. Trop de redites à cause même des défectuosités du plan. L’inté-