Gérin-Lajoie savait donc décrire, et le mouvement de sa phrase, quand il la presse, apparaît d’autant plus rapide que l’auteur n’emploie pour le marquer que les expressions les plus naturelles et les plus simples.
C’est, d’ailleurs, à cause de ce souci du mot propre, et de l’expression qui donne la vision directe des choses, que Gérin-Lajoie devait exceller dans certaines pages où il raconte nos mœurs populaires, et dans ces rencontres où il fait parler nos bonnes gens. Nous signalerons ici, comme les plus représentatifs peut-être de cette dernière manière, les chapitres où Gérin-Lajoie met en scène Pierre Gagnon et Françoise, décrit les naïves amours de ces deux cœurs robustes, leurs coquetteries un peu rustiques, et la demande en mariage.[1]
Ces pages sont toutes pleines des mœurs de notre vie rurale ; elles débordent de franche gaieté. On y relève encore ces locutions familières aux gens du peuple, si savoureuses, si pittoresques, dont Gérin-Lajoie aimait parsemer sa prose.
Les qualités estimables du style de Gérin-Lajoie nous font oublier certaines longueurs des récits, et des dissertations, et certaines inexpériences de composition. L’auteur, qui s’abstient d’intriguer dans son roman, omet à dessein, sans doute, de préparer des scènes qu’un romancier moderne eût fait venir avec plus d’adresse. Il estime que « l’art d’ennuyer est l’art de tout dire, »[2] et il va par le plus court chemin vers les conclusions qu’il veut laisser dans l’esprit du lecteur. Il se propose, par exemple, de faire voir qu’un simple colon peut devenir député au Parlement : il dirige donc vers Jean Rivard un groupe d’électeurs qui lui proposent sans phrases une candidature, qu’il accepte sans hésitation. Puis, embarrassé peut-être de ce député qui nous éloigne trop de la forêt ou qui critique trop librement — puisque Jean