Page:Roy - Vieux manoirs, vieilles maisons, 1927.djvu/14

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Nos anciens seigneurs n’étaient pas riches ; ils aimaient, cependant, à se bien loger en se construisant de petits châteaux dans leur domaine rural. Certes, leurs manoirs n’avaient pas l’aspect guerrier des forteresses du moyen âge. On n’y voyait ni donjons, ni machicoulis, ni pont-lévis, ni fossés. C’étaient, tout simplement, de grandes maisons en pierres des champs unies les unes aux autres par du bon mortier. Une longue bâtisse rectangulaire formait le corps principal du logis ; on ajoutait, aux deux extrémités, des ailes ornées, quelquefois, de tourelles. Aucune décoration extérieure, rien ne tempérait l’aspect sévère de nos manoirs seigneuriaux. L’acte d’érection en baronnie de la seigneurie de Portneuf (1681) nous apprend, cependant, que le sieur de Bécancour avait décoré son manoir « de toutes les marques de noblesse et seigneurie ». De même, nous lisons dans l’acte d’érection en baronnie de la seigneurie de Longueuil (1700) que Charles Lemoyne, fils aîné, avait fait « bastir à ses frais un fort flanqué de quatre bonnes tours, le tout de pierre et de maçonnerie avec un corps de garde, plusieurs corps de logis et une très belle église, le tout décoré de toutes les marques de noblesse… »

Presque tous ces manoirs ont subi des modifications importantes. Plusieurs ont été restaurés avec goût et leur apparence archaïque nous reporte, malgré nous, aux premiers âges de la colonie. Leurs possesseurs actuels pourraient poser au châtelain, et nous n’en serions pas surpris, tant le décor qui les entoure correspondrait à la réalité des choses. Comme « M. de la Bouteillerie, assis dans son fauteuil, au fond de la grande salle du manoir, et ayant devant lui une table recouverte d’un tapis, sur laquelle était ouvert le censier » [1], ils pourraient donner audience à leurs co-paroissiens et recevoir leurs hommages et leurs redevances. L’illusion serait complète, et toute une époque glorieuse revivrait à nos yeux.

Nos vieilles maisons pourraient être divisées en deux catégories : celles qui ont à la fois un caractère historique et d’ancienneté et celles dont tout le mérite est d’être d’un autre âge[2].

Dans la première catégorie nous pourrions classer tous nos établissements religieux dont la construction remonte, pour la plupart, au dix-septième siècle ; le séminaire de Québec, le vieux

  1. L’abbé H.-R. Casgrain, Une paroisse canadienne, la Rivière-Ouelle, p. 174.
  2. Ajoutons, pour être plus vrai, une troisième catégorie : celles qui caractérisent l’architecture canadienne. Voir, à ce sujet, le beau travail de M. Carless, publié en appendice.