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Page:Royer - Introduction à la philosophie des femmes.pdf/16

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Clémence Royer

bon dans les œuvres du Créateur ; en blâmer quelqu’une comme essentiellement viciée, c’est s’élever contre Dieu même.

Tel est mon plan, tels sont mes principes. Cette philosophie que je viens vous offrir, mesdames, j’ai l’intention de l’écrire un jour ; c’est ainsi que je la soumettrai au jugement des hommes. Ils l’adopteront, si elle leur convient ; s’ils la repoussent, nous la garderons pour nous, pour notre usage, en attendant qu’ils aient achevé la leur.

C’est donc avec le but final de prouver Dieu parfait dans toutes ses œuvres que nous commencerons une course à vol d’oiseau à travers le monde de la pensée, que nous planerons sur les hauteurs de la science.

Lorsque du sommet d’une montagne on jette ses regards sur le vaste horizon qui se déploie devant eux, d’un seul coup d’œil on en embrasse à la fois les bornes et l’étendue. On suit au-dessous de soi les sinuosités des torrents, on interroge les profondeurs des vallées ; on aperçoit et les châlets parsemés sur les pentes des pâturages, et les hameaux groupés dans les gorges ou sur les plateaux, et les villes plus gravement assises au loin dans les plaines. Quelques heures suffisent pour tout considérer et pour graver dans le fond de l’esprit une image pittoresque, grandiose, ineffaçable qu’on retrouve tout entière, animée et vivante dans son ensemble, sinon dans tous ses détails, chaque fois que la mémoire tente d’en évoquer le souvenir. Mais, pour explorer chacune de ces vallées, de ces gorges, de ces plaines ; pour étudier ces assises rocheuses, leur formation, leur nature, la végétation qui les recouvre, les espèces vivantes qui les habitent ou qu’elles recèlent dans leurs flancs pierreux ; pour connaître enfin avec détail ces habitations éparses, les mœurs, le caractère de ceux qu'elles abritent ; pour visiter ces villes populeuses, s’approprier leur histoire dans le passé, se rendre compte de leur état dans le présent, enfin, pour savoir de toute science toute cette contrée si riche d’éléments divers qu’un seul regard peut embrasser, ce ne serait pas trop de toute une vie. Ainsi, mesdames, du haut des sommets philosophiques de la science, il me suffira, je l’espère, de quarante heures pour vous donner un aperçu rapide de l’ensemble de la nature et de ses lois, un cadre, comme je vous l’ai promis, ou plutôt un tableau général de la science avec ses principales formules, ses conclusions dernières et ses hypothèses acceptées. Si nous voulions au